Il n'a de libre que le nom.

Peut-être avez vous entendu parlé de l’article de Mr Jean Dominique Giuliani intitulé Il n’a de libre que le nom et qui a notamment été publié par Libération. Je vous invite à le lire, si ce n’est pas déjà fait. En effet, il contient des éléments assez caractéristiques et que je rencontre régulièrement chez des gens qui ne connaissent pas ou mal le logiciel libre.

Mr Giuliani fait en effet l’amalgame dangereux entre gratuité et liberté. En effet, il part du principe qu’un logiciel libre est gratuit, et parce qu’il peut être redistribué gratuitement, il a été réalisé également gratuitement. Le problème est que son approche ne correspond pas à l’industrie du logiciel libre que l’on rencontre sur le terrain. Si on prend des exemples comme le noyau Linux, souvent montré en exemple, on se rend vite compte que les principaux développeurs du logiciel sont tous salariés pour travailler sur ce projet (par des sociétés comme RedHat, IBM, Novell, ARM ou d’autres). Un logiciel comme MySQL est également développé par une entreprise commerciale, qui salarie ses développeurs pour travailler sur le projet. Et on peut continuer comme ça pour d’autres grands projets, comme le système de fichiers ReiserFS, ou la suite OpenOffice.org.

La liberté du logiciel libre ne repose pas sur la gratuité, sinon on parlerait de logiciels gratuits et non pas de logiciels libres. Et les anglo-saxons ne préciseraient pas « free as in free beer » (free comme dans bière gratuite) ou « free as in free speech » (free comme dans liberté de parole) si justement l’amalgame n’était pas problématique. Il faut dire qu’ils utilisent le même mot pour gratuité et liberté, ce qui ne simplifie pas leur compréhension… La gratuité du logiciel libre présenté par Mr Giuliani n’est qu’une confusion née de la méconnaissance qu’il a du sujet.

De plus, non content de confondre logiciel libre et logiciel gratuit, on retrouve également une confusion avec les freeware. Dans le logiciel libre, l’auteur du logiciel en reste propriétaire, et la protection intellectuelle associée à son logiciel est la même que s’il avait édité un logiciel propriétaire. Il a juste choisi, dans un cas de ne pas donner accès au code source de son logiciel, et dans l’autre cas, a autorisé un accès au code source du logiciel à des fins d’amélioration, d’éducation de personnalisation etc. Mais il reste l’auteur du logiciel, et en fait ce qu’il veut.

Pour ce qui est de l’affrontement des sociétés de services face aux éditeurs de logiciels propriétaires, on constate en effet aujourd’hui une mise en opposition du service face au logiciel. Ceci pose un problème de taille. En effet, celà laisse supposer que les logiciels propriétaires ne nécessitent pas de services pour fonctionner, et que de faire appel à un éditeur de logiciels propriétaires pour acquérir la licence nécessaire à ce logiciel permet de planifier et de maîtriser le temps et l’amortissement de ces logiciels. On peut rêver, mais ce n’est pas réaliste. Les personnes offrant du service sur des logiciels propriétaires comme Oracle, SAP ou même Microsoft dont le but est que le logiciel se suffise à lui même, ne manquent pourtant pas de travail. De ce coté là, le logiciel libre n’est pas fondamentalement différent. Il a besoin de service pour être configuré, adapté, intégré à l’existant. Comme les autres. Ni plus, ni moins.

Pour résumer le tout, on peut dire que le logiciel libre n’a rien de gratuit, et n’a pas été présenté comme tel par toutes les personnes connaissant un minimum le logiciel libre. Que l’accès au code source, ne viole pas la propriété qu’en a l’auteur du logiciel. Et enfin, que le logiciel libre n’est pas le seul à avoir besoin de service pour être adapté à l’environnement et à l’utilisation qui doit en être faite, c’est le cas de tous les autres logiciels. Quant à parler du prix, si l’exemple du ministère des finances est donné dans l’article, il doit bien faire sourire les acteurs informatiques français. Un projet de 39 milions d’euros, sur trois années (cas du projet copernic du ministère des finances) n’en fait pas, et de très très loin, les logiciels les plus chers de l’histoire… Il suffit de comparer ça aux 78 milions d’euros dépensés simplement en licences logicielles (sans le service) dépensées pour la seule année 2002 par le ministère des finances (source).