DADVSI, ou comment faire n?importe quoi

Difficile de ne pas en avoir entendu parler, en ce moment en France se joue l?avenir de la diffusion de la culture sur support numérique. Un premier coup de tonnerre avait eu lieu fin décembre, quand le gouvernement souhaitait faire passer le texte, en soirée à la veille de Noël, avec le vote du premier article instituant le principe d?une Licence Globale. Si cette licence globale ne me semble pas vraiment une bonne idée, l?attitude du ministre de l?industrie de la culture me semble une plus mauvaise idée encore. En effet, au redémarrage des débats la semaine dernière, il a pris la décision d?enlever l?article 1 de la loi, alors que celui ci avait été voté. Et devant l?inconstitutionnalité de la chose (forcément, faire disparaître un article ayant été voté, sans aucune discussion??) l?article a été réintroduit en fin de soirée, et supprimé rapidement par les députés présents dans l?hémicycle, lors d?un boycott de l?opposition.
Alors, si il y a beaucoup à dire sur la présence obligatoire des DRM dans les morceaux de musique téléchargeable, et leur utilisation obligatoire également, sur les restrictions à la copie privée, on peut vraiment se poser des questions sur la finalité de cette loi. En effet, il va être possible de sanctionner le téléchargeur d?une amende de première classe (le prix de deux CD environs). Mais celà n?arrêtera en aucun cas les gens de télécharger. Pour le prix de deux CD, ils pourront remplir leur discothèque. De plus, le téléchargement est largement entré dans les moeurs, principalement chez les plus jeunes. Alors, si de grandes campagnes de verbalisations auront sans doute lieu, elles rapporteront un peu d?argent à l?état, mais les artistes ne verront rien passer du tout.
De plus, devant les limitations imposées par les DRM, qu?est-ce que les gens préfèreront faire ? Acheter légalement une musique sur Internet, et se retrouver limité quant à l?utilisation de ce morceau (un morceau acheté sur le site d?Apple est lisible uniquement sur l?ordinateur ou sur un iPod, et pas sur un autre lecteur MP3), ou télécharger illégalement le morceau sur un réseau P2P et pouvoir en profiter pleinement ? Bien sûr, le ministre annonce qu?il veut forcer à l?interropérabilité des DRM sur les différents matériels. Mais c?est un voeu pieux. Comment forcer des entreprises comme Microsoft ou même Apple qui réalise 60% de son chiffre d?affaire grace à la musique, à changer complètement leur technologie de DRM. Et quid des utilisateurs de logiciels libres comme Linux qui ne pourront avoir accès à ces fichiers DRM. Encore une fois, le ministre annonce que les logiciels libres pourront y avoir accès, qu?il ?suffit?? d?y implémenter les DRM, mais il n?y a pas vraiment de solution technique existante permettant de faire ce genre de choses (le logiciel libre repose sur la publication des sources du logiciel, une sorte de recette de cuisine du logiciel, mais la publication des sources de la partie DRM ne serait pas légale?? donc pas présente dans un logiciel libre).
On se retrouve donc aujourd?hui face à un projet de loi qui sera totalement inapplicable en raison d?une part du nombre de personnes téléchargeant de la musique aujourd?hui, et d?autre part des contraintes économiques imposées aux différentes entreprises commercialisant de la musique en ligne. ? vouloir satisfaire les géants de la musique (puisqu?ils vont pouvoir vendre encore plus de morceaux, plusieurs fois les mêmes aux même personnes d?ailleurs), on se retrouve avec un texte qui n?a aucun sens.